Avantages et risques de la nutrition parentérale chez les patients atteints de cancer

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La communauté médicale s’intéresse à la nutrition administrée par voie intraveineuse depuis les années 1600 ; cependant, les sources fiables de nutriments IV n’ont été établies que dans les années 1960. Alors qu’il était jeune interne, le docteur Stanley Dudrick, qui s’efforçait de sauver les patients qui ne pouvaient pas être nourris par voie orale ou par sonde, s’est consacré à la recherche d’un moyen de fournir des nutriments aux patients dépourvus d’un tube digestif fonctionnel.1 Il a pu démontrer que la nutrition IV pouvait favoriser la croissance et le développement des chiots beagles. Continuant à affiner sa solution nutritive, il a commencé à l’administrer par voie intraveineuse à des patients humains sélectionnés.1

Un autre défi était de trouver un accès veineux adéquat pour l’administration de la nutrition hypertonique. Dudrick a constaté que l’utilisation de la cautérisation de la veine sous-clavière permettait de diluer rapidement les nutriments dans le système veineux central, diminuant ainsi la probabilité de complications thrombotiques. En 1968, Dudrick a fait sortir de l’hôpital un patient de 36 ans dont le tube digestif ne fonctionnait pas, en le renvoyant chez lui avec son nouveau système de nutrition IV. La patiente souffrait d’un cancer de l’ovaire métastatique en phase terminale ; cependant, elle risquait de mourir plus tôt de faim que de la progression de la maladie. L’assistance nutritionnelle à domicile a prolongé son espérance de vie et amélioré sa qualité de vie.

Le développement de la nutrition parentérale (PN) a contre-indiqué une croyance longtemps entretenue selon laquelle l’administration nutritionnelle entièrement par les veines était impossible, peu pratique ou inabordable. La capacité à fournir des nutriments aux patients dépourvus d’un tube digestif fonctionnel a finalement sauvé des vies qui auraient autrement été perdues à cause de la malnutrition.

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Les premières formules de PN étaient composées de dextrose et d’hydrolysats de protéines de caséine ou de fibrine, qui ont ensuite été remplacés par des acides aminés cristallins. Les perfusions lipidiques intraveineuses n’étaient pas disponibles avant les années 1970. Dans les années 1980, les émulsions lipidiques IV sont devenues une source de calories. À la même époque, la FDA a approuvé la nutrition parentérale totale (NPT), des mélanges de nutriments constitués d’émulsions lipidiques associées à d’autres nutriments dans un même mélange. Aujourd’hui, la PN est un mélange complexe comprenant jusqu’à 40 produits chimiques ou composants nutritifs différents. Comme pour toute formulation complexe, des problèmes de stabilité et de compatibilité peuvent survenir. Une préparation inadéquate ou une contamination peut entraîner des dommages, voire la mort. Les complications de la PN comprennent les infections des cathéters veineux, les maladies hépatobiliaires et les troubles du glucose. Ces complications peuvent être minimisées par une sélection rigoureuse des patients. Cet article aborde les mérites nutritionnels de la PN et son utilisation en oncologie.

NUTRITIONENTÉRALE VS PARENTÉRALE

Le soutien nutritionnel spécialisé (SNS) est disponible sous deux formes : la nutrition parentérale et la nutrition entérale. Les deux formes sont utilisées pour prévenir la malnutrition chez les patients autrement incapables de satisfaire les besoins nutritionnels estimés par voie orale.

Les patients à risque de malnutrition qui sont candidats à la SNS connaissent une perte de poids involontaire de plus de 10 % sur une période de 2 à 3 mois, pèsent moins de 75 % de leur poids idéal ou habituel, et les résultats des tests de laboratoire indiquent une préalbumine inférieure à 10 mg/dL, ou ont des antécédents de prise orale inadéquate pendant plus de 7 jours.

La nutrition entérale fournit les nutriments requis aux patients qui ont un tube digestif fonctionnel mais qui ne peuvent pas ingérer de nutriments par voie orale. La nutrition entérale nécessite l’insertion d’une sonde d’alimentation directement dans le tube digestif pour fournir une alimentation liquide par pompe, bolus ou gravité. Elle est recommandée pour les patients chez qui l’accès au tractus GI ne cause pas de traumatisme.

La nutrition parentérale fournit les nutriments requis aux patients par voie intraveineuse, contournant ainsi un tractus GI non fonctionnel. La formulation de la PN fournit de l’énergie, des liquides et divers médicaments via un accès veineux périphérique ou central. La nutrition parentérale est recommandée pour les patients qui risquent de souffrir ou qui souffrent de malnutrition et qui ne sont pas candidats à la nutrition entérale. La nutrition parentérale ne doit pas être utilisée de manière systématique chez les patients dont le tube digestif est intact. La PN est associée à davantage de complications infectieuses, ne préserve pas la fonction du tractus GI et est plus coûteuse que la nutrition entérale.

INDICATIONS DE LA NUTRITION PARENTÉRALE

Les directives de l’American Society of Parenteral and Enteral Nutrition (ASPEN) suggèrent que les patients qui ne peuvent pas, ne devraient pas ou ne veulent pas manger suffisamment pour maintenir un statut nutritionnel adéquat et qui ont le potentiel de devenir malnutris sont des candidats appropriés pour la PN.2 Ces patients ont échoué aux essais de nutrition entérale avec mise en place d’une sonde postpylorique. La nutrition parentérale est également indiquée pour les patients atteints du syndrome de l’intestin court, en particulier s’il reste moins de 150 cm d’intestin grêle après l’intervention chirurgicale, et pour les fistules gastro-intestinales, sauf si un accès entéral peut être placé en distal de la fistule ou si le débit volumique est inférieur à 200 ml/jour. Les patients gravement malades qui ne peuvent pas recevoir de nutrition entérale et dont l’état de ” rien par la bouche ” durera plus de 4 à 5 jours sont des candidats à la PN. Elle est également initiée chez les patients cancéreux présentant des symptômes liés au traitement qui affectent la prise orale (par exemple, mucosite, stomatite, œsophagite) si les symptômes durent plus de 7 jours (tableau 1). La nutrition parentérale n’est pas bien tolérée en cas d’hyperglycémie sévère, d’azotémie, d’encéphalopathie, d’hyperosmolarité et de déséquilibre électrolytique et liquidien sévère, et elle doit être suspendue jusqu’à ce qu’une amélioration soit observée.

Composition des macronutriments

Les glucides sont la principale source d’énergie du corps humain. Le cerveau et les tissus neuronaux, les érythrocytes, les leucocytes, le cristallin des yeux et la médullaire rénale ont besoin de glucose ou l’utilisent préférentiellement. La base de toutes les solutions PN est constituée d’hydrates de carbone, le plus souvent du dextrose monohydraté. Le dextrose fournit 3,4 kcal/kg et est disponible en concentrations de 5 % à 70 %, les concentrations plus élevées étant utilisées principalement pour les patients soumis à des restrictions liquidiennes.

Les protéines sont nécessaires au maintien de la structure cellulaire, à la réparation des tissus, à la défense immunitaire et à la masse musculaire squelettique. Les protéines sont fournies sous forme d’acides aminés cristallins à une concentration allant de 3 à 20 %. Les acides aminés apportent 4 kcal/kg.

Les solutions d’acides aminés sont généralement un mélange physiologique d’acides aminés essentiels et non essentiels. Des solutions d’acides aminés spécifiques aux maladies sont disponibles et sont principalement utilisées pour les maladies rénales et hépatiques. Les patients dont la fonction rénale décline et qui ne sont pas encore candidats à la dialyse risquent une accumulation d’azote uréique lorsqu’ils sont perfusés avec des acides aminés non essentiels. Ces patients ne reçoivent que des acides aminés essentiels. Les patients atteints d’encéphalopathie hépatique sévère peuvent bénéficier d’acides aminés branchés (BCAA). Les BCAA sont oxydés principalement dans le muscle, plutôt que dans le foie, préservant ainsi les voies métaboliques hépatiques en cas d’insuffisance hépatique. En général, les solutions d’acides aminés spécifiques à une maladie offrent un profil d’acides aminés incomplet et ne devraient pas être utilisées pendant plus de 2 semaines.

Les lipides en émulsion huile dans l’eau à des concentrations allant de 10% à 30% fournissent des graisses dans la PN. Les solutions lipidiques actuellement disponibles aux États-Unis contiennent des triglycérides à longue chaîne (LCT) sous forme d’huile de soja ou de carthame, des phospholipides d’œuf comme émulsifiant, de l’eau et du glycérol pour créer une solution isotonique.

L’inclusion de lipides dans la nutrition IV prévient la carence en acides gras essentiels (AGE). Les solutions qui fournissent jusqu’à 4 % des calories totales en acide linoléique ou 10 % des calories totales en émulsions à base d’huile de carthame répondront aux besoins quotidiens en AGE. Les patients qui reçoivent une PN sans lipides, généralement ceux qui sont allergiques aux œufs, doivent être surveillés pour détecter une éventuelle carence en AGE. Une perte de cheveux excessive, une mauvaise cicatrisation des plaies, une peau sèche et squameuse et des résultats de tests de laboratoire indiquant un rapport triène:tétraène supérieur à 0,2 sont des indicateurs de carence en AGE. Chez les patients souffrant d’une allergie aux phospholipides d’œuf, l’huile peut être appliquée sur la peau pour prévenir la carence en AGE. La posologie recommandée est de 2 à 3 mg/kg/j d’huile de graines de carthame pendant 12 semaines.

Dans le numéro du 01 août 2011 de Oncology Nurse Advisor

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