La plupart des historiens culinaires pensent que le pho, la toujours populaire soupe vietnamienne au bœuf ou au poulet et aux nouilles, est originaire du Nord-Vietnam, à Hanoï, puis a voyagé vers le Sud vers 1954 avec les nordistes qui ont fui le régime communiste et ont ensuite installé des restaurants de pho, principalement à Saigon.

Il y a une différence significative de climat entre le Nord et le Sud du Vietnam – le Nord connaît l’hiver, donc le pho était traditionnellement un plat de petit déjeuner, et la plupart des stands de rue de pho à Hanoi pliaient bagage et s’arrêtaient vers 10 heures du matin, réapparaissant le lendemain vers 6 heures.

En grandissant à Saigon dans les années 60, j’accompagnais mon père sur son scooter Lambretta pour manger du pho ga (poulet) dans un restaurant appelé Pho Ga Binh Minh (signifiant lever de soleil) dans la rue Ky Dong. Comme cela n’arrivait qu’une fois de temps en temps, j’étais plein d’excitation et d’anticipation pour cette gâterie spéciale – le pho était alors bien plus cher que le petit-déjeuner habituel composé de riz gluant, de patates douces et de manioc bouillis, ou de baguette et de lait concentré sucré.

Dès que nous descendions le pont Truong Minh Giang, je pouvais détecter l’arôme teinté de gingembre et d’oignon et de graisse de poulet dans l’air matinal. Mon père commandait un café au goutte-à-goutte et un bol de pho ga, un bol de nouilles et de bouillon pour moi (il transférait quelques morceaux de viande de cuisse de poulet à la peau jaune et grasse de son bol au mien) et une assiette de germes de soja et d’herbes fraîches, de joues de citron vert et de piment sur la table. En sirotant lentement la soupe à la cuillère, en faisant glisser les brins de nouilles, en pressant un peu de citron vert, en ajoutant du piment, des germes de soja et des herbes arrachées tout en regardant ce poulet cuit invitant suspendu au-dessus d’une grande marmite de bouillon frémissante, j’ai souhaité pouvoir manger du pho pour tous les repas de la journée, ou que mon bol se remplisse miraculeusement sans fin.

Le pho n’est pas difficile à faire. Tout ce dont vous avez besoin, c’est d’une grande marmite, d’os de bœuf pour le pho bo (bœuf), ou d’un poulet entier élevé en liberté et de carcasses pour le pho ga, et de gingembre frais, d’oignons, d’anis étoilé, de cannelle, de cardamome, de clous de girofle, de graines de coriandre et de nouilles de riz plates, fraîches ou sèches. Vous pouvez même faire les nouilles vous-même en utilisant une combinaison de farines de riz et de tapioca. Il est préférable de préparer le bouillon pho en grande quantité et de congeler le surplus pour une utilisation ultérieure. Le bouillon de poulet est beaucoup plus rapide à faire et implique moins d’épices.

Avant 1975, presque personne dans le sud du Vietnam ne faisait de pho à la maison puisque le pho bo et le pho ga pouvaient être trouvés dans les restaurants locaux partout. Des restaurants de pho sont également apparus en dehors du Vietnam, principalement en France, dans les années 50 et 60, gérés par ceux qui avaient fui le régime communiste ou la présidence de Ngo Dinh Diem. Les Vietnamiens déplacés qui ont appelé de nombreux pays différents chez eux après 1975 ont porté le pho à l’attention du monde entier.

Pour servir le pho, il faut un bol profond dans lequel on place une poignée de nouilles blanchies puis on les garnit de tranches de bœuf cru très fines, ou de tranches de poulet poché avec la peau, de ciboule et de coriandre hachées, plus un oignon émincé. Le bouillon bouillant et aromatique est alors versé à la louche dans le bol et on le remue dans un mouvement circulaire pour cuire partiellement le bœuf et les garnitures.

L’étape suivante consiste à l’assaisonner à votre goût, en pressant du citron ou du citron vert, puis à ajouter des germes de haricots, du piment tranché et des herbes fraîches : Basilic thaï, menthe, coriandre en dents de scie, herbe de rizière et piment selon votre goût. Les sauces hoisin et piment sont indispensables pour le trempage. Certaines personnes ajoutent les deux sauces aux nouilles et les mélangent ; d’autres aiment combiner leur piment coupé en tranches, le jus de citron, la sauce pimentée et la sauce de poisson dans un plat séparé à la place de l’hoisin pour une sauce de trempage personnalisée. Ensuite, il suffit d’une paire de baguettes et d’une cuillère à soupe chinoise pour le manger.

Manger du pho est un art rituel. Il faut d’abord immerger les garnitures, puis remplir la cuillère de nouilles, de viande, de garnitures et de bouillon, et goûter – c’est ainsi que l’on peut juger de la vraie saveur et de la qualité du pho – puis ajuster l’assaisonnement à son goût.

Dans des pays comme l’Amérique, le Canada et l’Australie, aller dans des restaurants de pho pour le petit déjeuner tous les jours est presque impossible, à moins de vivre près de zones à forte population vietnamienne, donc la plupart des gens essaieraient de faire du pho à la maison, ce qui a donné naissance aux cubes d’assaisonnement de pho, aux sachets de pâte et aux paquets d’épices de pho mélangées dans les épiceries asiatiques.

Ma sœur et son mari se sont installés à Loomis, une zone semi-rurale près de Sacramento, en Californie. Ils élèvent des poulets, cultivent des limes, des citrons, des oignons verts, des herbes, du gingembre et du piment, et font même germer leurs propres germes de haricots à partir de haricots mungo pour faire un pho ga correct. Et je peux attester que mon beau-frère, Cuong Vu, fait les meilleurs pho (ga et bo) que j’aie jamais goûtés. Il m’a gentiment donné les recettes du bouillon, qui est la partie essentielle d’un bon bol de pho.

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