Une série de cas d'anaphylaxie potentiellement mortelle induite par la succinylcholine | Maternidad y todo

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Depuis 1952, la succinylcholine a été largement utilisée dans le monde entier comme le premier choix de relaxant musculaire pour faciliter l’intubation trachéale dans l’induction de l’anesthésie en séquence rapide. Malgré ses propriétés uniques (c’est-à-dire un début et un arrêt courts et un bloc intense), la succinylcholine peut induire certaines réactions indésirables graves, telles que les réactions anaphylactiques.1,2 Le diagnostic des réactions anaphylactiques reste difficile.3 Bien que des lignes directrices soient disponibles, la base de données probantes pour l’évaluation et la prise en charge ultérieure des patients atteints d’anaphylaxie est faible en raison de l’absence d’études randomisées et contrôlées des interventions thérapeutiques effectuées pendant une réaction anaphylactique.4-6

Nous rapportons ici la prévalence des symptômes cliniques, la pertinence du traitement de secours et la difficulté de diagnostic de l’anaphylaxie induite par la succinylcholine, sur la base de l’analyse de 21 rapports de cas de réactions mettant en jeu le pronostic vital (grades III et IV de Ring et Messmer). Ces cas ont été signalés entre octobre 2011 et janvier 2015 dans deux hôpitaux universitaires français (le CHU Lariboisière-Saint-Louis et le CHU de Brest). Le rôle de la succinylcholine a été confirmé par deux allergologues seniors ayant une grande expérience dans le diagnostic des réactions anaphylactiques périanesthésiques. L’approbation éthique de cette étude a été fournie par le comité d’éthique de la Société de Réanimation de Langue Française, (n° CE SRLF 14-1).

Cette série de cas documente l’acuité, la soudaineté et la gravité des événements cardiovasculaires dans l’anaphylaxie liée à la succinylcholine et démontre la difficulté de diagnostiquer l’anaphylaxie, ce qui a conduit à une gestion sous-optimale et/ou inappropriée fréquente au moment de l’induction anesthésique. Les patients avaient un âge médian de 64 ans (de 27 à 81 ans), 57% étaient des femmes, 48% avaient des antécédents d’hypertension, 14% étaient traités par bêta-bloquant et 24% étaient obèses. Au total, 67 % des cas sont survenus au cours d’une chirurgie programmée et 33 % au cours d’une chirurgie urgente. Les indications de la succinylcholine étaient conformes aux recommandations françaises. Globalement, les signes cliniques sont apparus immédiatement après l’administration de succinylcholine IV et ont été classés comme sévères, avec 21/21 collapsus cardiovasculaire et 6/21 arrêts cardiaques. Les pressions artérielles systolique et diastolique ont rapidement diminué chez tous les patients après l’administration de succinylcholine, associées à une augmentation de la fréquence cardiaque (Fig. (Fig.1).1). Dans six cas, l’arrêt cardiaque est apparu moins de 5 min après l’administration de la succinylcholine et a été précédé d’un collapsus cardiovasculaire dans tous les cas. Pour ces six cas d’arrêt cardiaque, un patient est décédé en salle d’opération ; un patient est décédé aux soins intensifs 2 jours après la réaction anaphylactique à cause d’un choc réfractaire ; un patient a eu un arrêt cardiaque réfractaire avec assistance par oxygénation par membrane extracorporelle et est décédé 12 jours plus tard aux soins intensifs ; et trois d’entre eux ont survécu avec un séjour aux soins intensifs de 8, 12 et 30 jours, respectivement. Tous les patients qui n’ont pas subi d’arrêt cardiaque ont survécu. Bien que des événements cardiovasculaires aient été présents chez tous les patients, le diagnostic clinique reste difficile car les symptômes cutanés et respiratoires étaient absents chez la moitié des patients (signes cutanés dans 10/21 cas et bronchospasme dans 11/21 cas) et car le collapsus est relativement fréquent pendant l’anesthésie. La difficulté du diagnostic de l’anaphylaxie périanesthésique a probablement conduit à une utilisation sous-optimale et/ou tardive de l’adrénaline, médicament recommandé en première intention.4 En effet, la prise en charge de ces réactions anaphylactiques sévères a été hétérogène, notamment pour l’administration des catécholamines. Seuls 6/21 cas ont reçu de l’épinéphrine en première intention, 12/21 l’ont reçue en deuxième intention et 3/21 n’ont pas reçu d’épinéphrine. Ces résultats sont en accord avec un rapport précédent.7 Ces résultats ont démontré que le traitement de secours était sous-optimal et/ou retardé chez au moins 70% des patients rapportés. Dans seulement 55 % des cas, la dose d’adrénaline administrée était conforme aux recommandations françaises (c’est-à-dire 1 mg pour un arrêt cardiaque et 100 à 200 μg pour une hypotension). Au total, 73% des cas présentant un bronchospasme ont reçu du salbutamol inhalé, et 18% de ces patients ont reçu du salbutamol intraveineux supplémentaire.

Données individuelles de fréquence cardiaque, saturation en oxygène, SBP, DBP pour les 21 cas avant l’induction (T1), au moment du choc anaphylactique (T2) et après la réanimation (T3). DBP, pression artérielle diastolique ; HR, fréquence cardiaque ; SBP, pression artérielle systolique.

Il souligne également la difficulté de déterminer la causalité de la succinylcholine dans ces effets indésirables. L’histoire du patient, les symptômes cliniques, les mesures de l’histamine et de la tryptase, les dosages spécifiques des IgE et les tests cutanés constituent l’étalon-or du diagnostic des réactions anaphylactiques. Le diagnostic de l’anaphylaxie pendant l’anesthésie doit inclure différents tests de confirmation plutôt qu’un seul test et les patients présentant une réaction anaphylactique pendant l’anesthésie doivent faire l’objet d’un examen complet. Les résultats des tests biologiques (c’est-à-dire l’histamine plasmatique, la tryptase plasmatique et les IgE plasmatiques spécifiques) et des tests cutanés sont présentés dans le tableau 1.1. Les tests cutanés (tests intradermiques, succinylcholine 10 mg ml-1), qui restent l’étalon-or pour prouver l’anaphylaxie médicamenteuse, ont été réalisés dans 14/21 cas et étaient systématiquement positifs pour la succinylcholine. Ils n’ont pas été réalisés dans 4 cas sur 21 en raison du décès et dans 3 cas sur 21 en raison de la perte de suivi. Enfin, seuls 9 cas sur 21 ont fait l’objet d’une investigation complète avec des tests biologiques (i.e. histamine et/ou tryptase plasmatique et IgE plasmatique spécifique) suivis de tests cutanés. Les trois patients décédés à la suite d’un arrêt cardiaque lié à une anaphylaxie à la succinylcholine avaient fait l’objet d’une investigation complète par des tests biologiques (c’est-à-dire histamine plasmatique, tryptase plasmatique et IgE plasmatiques spécifiques) et avaient obtenu des résultats positifs concordants. La difficulté d’obtenir l’exhaustivité des tests de confirmation et notamment des tests cutanés explique la difficulté pour les allergologues de tirer des conclusions définitives. En effet, lorsqu’un seul test est négatif, il n’est pas possible de déterminer s’il s’agit d’un faux négatif ou si le patient est tolérant à l’agent testé. Aucun des tests diagnostiques disponibles ne démontre une précision absolue.3 Cependant, les médecins ont besoin de conclusions définitives pour pouvoir adapter leur pratique à chaque patient.

Une collaboration étroite entre l’allergologue et l’anesthésiste est un point essentiel lors de l’investigation des réactions anaphylactiques.

En conclusion, lors de l’utilisation de la succinylcholine pour induire une anesthésie générale, notre étude suggère fortement qu’en cas de résistance effondrée à l’éphédrine et à la phényléphrine, l’épinéphrine doit être rapidement utilisée. Le diagnostic final reste difficile, et les tests biologiques et cutanés doivent être entièrement réalisés.

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