STRONGGRAVITY

Dessin d’artiste d’un système binaire où un flux de gaz provenant d’une étoile crée un disque d’accrétion autour d’un trou noir en son centre. Cliquez pour voir l’image animée. Crédit : ESO

Les disques d’accrétion sont des outils cruciaux pour notre étude des trous noirs. Presque tout ce que nous avons appris sur les trous noirs, nous l’avons appris grâce aux disques d’accrétion. Pourquoi ? Une chose qui a changé l’astronomie de fond en comble, c’est lorsque les gens ont réalisé qu’il y avait plus à voir dans l’univers que ce que les télescopes optiques leur avaient jusqu’alors permis de voir. Ils ont découvert que la lumière visible n’était qu’une petite fraction de l’ensemble du spectre électromagnétique et que l’information voyageait dans l’univers sur de nombreuses longueurs d’onde, de la radio aux rayons gamma, en passant par les micro-ondes, les infrarouges, l’optique, les ultraviolets et les rayons X. Depuis lors, tout ce que nous savons de l’univers, nous l’avons appris grâce au rayonnement électromagnétique. Les trous noirs, cependant, ne produisent aucun rayonnement, ce qui les rendrait impossibles à étudier s’ils n’étaient pas entourés de disques d’accrétion. Ces disques sont ce que nous observons réellement et à partir de ce que nous déduisons des propriétés de leurs objets gravitants centraux.

Accrétion et disques d’accrétion

L’accrétion est un processus de croissance d’un objet massif par attraction gravitationnelle et collecte de matière supplémentaire. Typiquement, cela se produit à travers une structure en forme de disque de matière diffuse ou de gaz qui est en mouvement orbital autour de l’objet central en accrétion. Les disques d’accrétion sont des caractéristiques omniprésentes dans l’univers et peuvent être trouvés autour de plus petites étoiles ou de restes stellaires, dans les étoiles binaires proches, dans les centres des galaxies spirales, dans les quasars, ils se forment aussi dans les sursauts gamma.

L’accrétion peut avoir plusieurs formes. Elle peut être sphérique, ou planaire. Elle peut être persistante ou épisodique. Le scénario habituel de l’accrétion est que la matière s’écoule d’un objet céleste vers un autre. Il existe alors une direction privilégiée donnée par le plan orbital des deux corps. Le flux suit également ce plan, mais ne s’étend pas en ligne droite d’un objet à l’autre, car il possède un certain moment angulaire dû au mouvement orbital des deux corps. Il est poussé un peu de côté par la force de Corriolis et forme un disque autour de l’objet cible.

De cette façon, la matière s’accumule dans un disque d’accrétion dense en rotation autour d’un trou noir, d’une étoile ou d’un autre objet gravitant. La friction entre les couches adjacentes provoque le réchauffement du gaz dans le disque, son énergie potentielle étant lentement dissipée en chaleur. Le gaz perd également son moment angulaire, ce qui lui permet de se rapprocher de l’objet central et de se mettre en orbite plus rapidement. Un mouvement plus rapide entraîne plus de friction et, comme le gaz devient très chaud, il dégage de l’énergie. La température que peut atteindre le disque dépend de la masse de l’objet central. Plus il est massif, plus la température du disque est basse. Les disques autour des trous noirs de masse stellaire ont des températures autour de millions de Kelvins et rayonnent dans les rayons X, les disques autour des trous noirs supermassifs ont des températures autour de milliers de Kelvins et rayonnent dans la lumière optique ou ultraviolette.

Comment imaginer un disque d’accrétion

Un disque de gramophone fait une belle analogie avec les disques d’accrétion des trous noirs.

On peut imaginer un disque d’accrétion comme un vieux bon disque de gramophone. Étonnamment, il présente de nombreuses caractéristiques d’un disque d’accrétion. Lorsque nous commençons à jouer le disque, nous positionnons l’aiguille sur le bord extérieur du disque. C’est également là que la matière pénètre dans le disque d’accrétion, à sa périphérie. L’aiguille suit alors un sillon en spirale très serré, tandis que la plaque de vinyle passe en dessous et que la musique est jouée. Vous pouvez voir l’aiguille dériver très lentement vers le centre de la plaque pendant qu’elle fait plusieurs fois le tour de la plaque. Il en va de même pour le disque d’accrétion. Une particule de matière qui a pénétré dans le disque doit perdre son moment angulaire. Pendant qu’elle le fait en l’échangeant avec d’autres particules autour, elle continue à tourner de nombreuses fois le long d’une orbite képlérienne comme une planète autour du Soleil.

Le disque de gramophone peut jouer pendant 45 minutes, il faut à la matière des semaines ou des années (selon la taille du disque) pour dériver de l’extérieur vers son bord intérieur. Une fois que le disque est terminé et que l’aiguille atteint la fin de la piste, le sillon en spirale se déroule rapidement ce qui place le bras de lecture en position d’arrêt. Dans les disques d’accrétion des trous noirs, une chose similaire se produit. Nous soulignons ici qu’il doit s’agir de disques d’accrétion autour de trous noirs, car cet effet est relativiste et ne se manifeste que dans un champ gravitationnel suffisamment fort autour d’objets compacts comme les trous noirs ou peut-être les étoiles à neutrons. Ce qui se passe, c’est qu’à partir d’un certain rayon, déjà assez proche du trou noir central, les particules de matière ne peuvent plus suivre des trajectoires circulaires képlériennes. De telles trajectoires cessent d’être stables en raison des effets de la relativité générale et à partir de ce moment, la particule est sur une spirale ouverte en chute libre qui va la conduire sur le reste du chemin jusqu’à l’horizon des événements en quelques orbites à une vitesse proche de celle de la lumière, où elle termine son long chemin.

L’existence de cette caractéristique spéciale dans le disque où les trajectoires képlériennes stables n’existent pas s’avère être d’une très grande importance. Puisque la matière peut paisiblement orbiter dans le disque partout à l’extérieur de cet endroit spécial mais pas à l’intérieur, cela signifie que le disque s’avère avoir un ” trou ” en lui-même. La taille de ce trou dépend uniquement des propriétés du trou noir central (sa masse et sa rotation). Par conséquent, si nous parvenons à mesurer la taille du trou, nous pourrons en déduire les propriétés du trou noir lui-même. C’est passionnant ! Et en effet, les astronomes ont émis une poignée d’idées sur la façon de faire exactement cela.

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