Par George Aschenbrenner, SJ
Du texte Examen de conscience, qui fait partie de la série Somos Católicos
L’examen est une pratique sans grande signification pour beaucoup de gens dans leur vie spirituelle. C’est vrai pour une variété de raisons ; mais toutes les raisons se résument à l’admission (rarement explicite) qu’il n’a pas de valeur pratique immédiate dans une journée chargée. Ce que je veux dire dans ce livret, c’est que toutes ces raisons et leur fausse conclusion découlent d’une mauvaise compréhension de base de cette pratique spirituelle. L’examen doit être considéré en relation avec le discernement des esprits. C’est un exercice quotidien et intensif de discernement dans la vie d’une personne.
Examen de la conscience
Pour beaucoup de gens aujourd’hui, la vie est spontanée, si tant est qu’elle le soit. Si la spontanéité est écrasée ou avortée, alors la vie elle-même est mort-née. Dans cette optique, l’examen consiste à vivre la vie à l’envers et une fois éloigné de la spontanéité vibrante et de l’immédiateté de l’expérience elle-même. Ces personnes sont aujourd’hui en désaccord avec l’affirmation de Socrate selon laquelle la vie non examinée ne vaut pas la peine d’être vécue. Pour ces personnes, l’Esprit est dans le spontané et donc tout ce qui milite contre la spontanéité n’est pas de l’Esprit.
Ce point de vue néglige le fait que jaillissent dans la conscience et l’expérience de chacun de nous deux spontanéités, l’une bonne et pour Dieu, l’autre mauvaise et pas pour Dieu. Ces deux types de pulsions et de mouvements spontanés se produisent chez chacun d’entre nous. Souvent, la personne à l’esprit vif et à la langue déliée, qui peut être si amusante et le centre de l’attention et qui est toujours caractérisée comme étant si spontanée, n’est certainement pas mue par la bonne spontanéité et ne l’exprime pas. Pour les personnes désireuses d’aimer Dieu de tout leur être, le défi n’est pas simplement de laisser le spontané se produire, mais plutôt d’être capable de passer au crible ces diverses pulsions spontanées et de donner une pleine ratification existentielle à ces sentiments spontanés qui viennent de Dieu et sont pour Dieu. Nous y parvenons en permettant à la spontanéité véritablement spirituelle de se produire dans notre vie quotidienne. Mais nous devons apprendre à ressentir cette véritable spontanéité spirituelle. L’examen a un rôle très central dans cet apprentissage.
Lorsque l’examen est lié au discernement, il devient examen de conscience plutôt que de conscience. L’examen de conscience a des connotations moralisatrices étroites. Sa préoccupation première était les actions bonnes ou mauvaises que nous avions faites chaque jour. Alors que dans le discernement, la préoccupation première n’est pas la moralité des actions bonnes ou mauvaises, mais plutôt la manière dont Dieu nous affecte et nous fait bouger (souvent très spontanément !) au plus profond de notre conscience affective. Ce qui se passe dans notre conscience est antérieur et plus important que nos actions, qui peuvent être définies juridiquement comme bonnes ou mauvaises. Comment nous faisons l’expérience de “l’attraction” de Dieu (Jean 6:44) dans notre propre conscience existentielle et comment notre nature pécheresse nous tente discrètement et nous attire loin de l’intimité avec Dieu dans les dispositions subtiles de notre conscience – c’est ce que l’examen quotidien concerne avant de se préoccuper de notre réponse dans nos actions. Par conséquent, c’est l’examen de conscience qui nous préoccupe ici, afin que nous puissions coopérer avec et laisser se produire cette belle spontanéité dans nos cœurs qui est la touche de Dieu et l’incitation de l’Esprit.
Examen et identité spirituelle
L’examen dont nous parlons ici n’est pas un effort de Ben Franklin pour se perfectionner. Nous parlons d’une expérience dans la foi d’une sensibilité croissante aux manières uniques, intimement spéciales que l’Esprit de Dieu a de nous approcher et de nous appeler. Il est évident que cette croissance prend du temps. Mais dans ce sens, l’examen est un renouvellement et une croissance quotidiens de notre identité spirituelle en tant que personnes uniques, chair-esprit, aimées et appelées par Dieu dans l’intimité de notre monde affectif. Il ne nous est pas possible de faire un examen sans nous confronter à notre propre identité unique à l’imitation du Christ devant Dieu.
Et pourtant, si souvent, notre examen quotidien devient si général et vague et non spécifique que notre identité spirituelle unique ne semble pas faire de différence. L’examen prend une réelle valeur lorsqu’il devient une expérience quotidienne de confrontation et de renouvellement de notre identité spirituelle unique et de la manière dont Dieu nous invite subtilement à approfondir et à développer cette identité. Nous devrions faire notre examen chaque fois avec une compréhension aussi précise que possible de notre identité spirituelle. Nous ne le faisons pas simplement comme n’importe quel chrétien mais comme cette personne chrétienne spécifique avec une vocation et une grâce uniques dans la foi.
Examen et prière
L’examen est un temps de prière. Les dangers d’une réflexion vide de sens ou d’une introspection malsaine et égocentrique sont bien réels. D’autre part, un manque d’effort à l’examen et l’approche de vivre selon ce qui vient naturellement nous maintiennent assez superficiels et insensibles aux voies subtiles et profondes de Dieu au fond de nos cœurs. La qualité de prière et l’efficacité de l’examen lui-même dépendent de sa relation avec notre prière contemplative continue. Sans cette relation, l’examen glisse au niveau de l’auto-réflexion pour l’auto-perfection, si tant est qu’il perdure.
Dans la prière contemplative quotidienne, Dieu nous révèle soigneusement l’ordre du mystère de toute réalité dans le Christ – comme Paul le dit aux Colossiens : “ceux à qui Dieu a prévu de donner une vision de toute la merveille et de la splendeur du plan secret pour les nations”. (Colossiens 1, 27) Le contemplateur fait l’expérience de cette révélation de Dieu dans le Christ de manière subtile, principalement non verbale. La présence de l’Esprit de Jésus ressuscité dans le cœur du croyant permet de sentir et d'”entendre” cette invitation (défi !) à nous ordonner à cette révélation. La contemplation est vide sans cette réponse d'”ordonnancement”.
Ce genre d’ordonnancement révérencieux, docile (l'”obéissance de la foi” dont parle Paul en Romains 16:26) et non moraliste est le travail de l’examen quotidien – pour sentir et reconnaître ces invitations intérieures de Dieu qui guident et approfondissent cet ordonnancement de jour en jour et pour ne pas coopérer avec ces insinuations subtiles opposées à cet ordonnancement. Sans ce contact contemplatif avec la révélation de la réalité de Dieu dans le Christ, tant dans la prière formelle que dans la prière informelle, la pratique quotidienne de l’examen devient vide ; elle se ratatine et meurt. Sans cette ” écoute ” de la révélation des voies de Dieu, qui sont si différentes des nôtres (Isaïe 55, 8-9), l’examen redevient ce façonnement de nous-mêmes, qui est l’auto-perfection humaine et naturelle, ou, pire encore, il peut se corrompre en un ordonnancement égoïste de nous-mêmes à nos propres voies.
L’examen sans contemplation régulière est futile. Un échec de la contemplation régulière émacie l’expérience magnifiquement riche de l’ordre responsable auquel le contemplatif est continuellement invité par Dieu. Il est vrai, d’autre part, que la contemplation sans examen régulier devient compartimentée, superficielle et rabougrie dans nos vies. Le temps de la prière formelle peut devenir une période très sacro-sainte dans notre journée, mais tellement isolée du reste de notre vie que nous ne sommes pas priants (trouver Dieu en toutes choses) au niveau où nous vivons vraiment. L’examen donne à notre expérience contemplative quotidienne de Dieu un véritable mordant dans toute notre vie quotidienne ; c’est un moyen important pour trouver Dieu en toute chose et pas seulement dans le temps de la prière formelle, comme cela sera expliqué à la fin de ce livret.
Une vision discernante du cœur
Lorsque nous apprenons et pratiquons l’examen pour la première fois, il semble stylisé et artificiel. Ce problème n’est pas dans l’examen-prière mais en nous-mêmes ; nous sommes des débutants et nous n’avons pas encore travaillé cette intégration en nous-mêmes d’un processus de discernement personnel à exprimer dans des examens quotidiens. En tant que débutants, avant que nous n’ayons atteint une intégration personnalisée, un exercice ou un processus peut être très utile et pourtant sembler formel et stylisé. Cela ne doit pas nous rebuter. Ce sera l’expérience inévitable pour le débutant et pour le “vieux routier” qui recommence l’examen.
Mais l’examen sera toujours fondamentalement mal compris si le but de cet exercice n’est pas saisi. L’exercice spécifique de l’examen vise en fin de compte à développer un cœur doté d’une vision discernée pour être actif non seulement pendant un ou deux quarts d’heure dans une journée, mais continuellement. C’est un don de Dieu – un don très important, comme Salomon l’a compris. (1 Rois 3:9-12). Nous devons donc prier constamment pour ce don, mais nous devons aussi être réceptifs à son développement dans nos cœurs. Une pratique quotidienne de l’examen est essentielle à ce développement.
Donc les cinq étapes de cet exercice d’examen tel que présenté dans les Exercices Spirituels de Saint Ignace de Loyola (#43) doivent être vues, et progressivement expérimentées dans la foi, comme des dimensions de la conscience chrétienne, formées par le travail de Dieu dans le cœur alors qu’il affronte et grandit dans ce monde et toute la réalité. Si nous permettons à Dieu de transformer progressivement notre esprit et notre cœur en celui de Jésus, de devenir véritablement chrétiens, à travers notre expérience de vie dans ce monde, alors l’examen, avec ses éléments séparés désormais considérés comme des dimensions intégrées de notre propre conscience regardant le monde, est beaucoup plus organique à notre perspective et semblera beaucoup moins artificiel. Il n’y a donc pas de durée idéale fixée arbitrairement pour chacun des cinq éléments de l’examen lorsqu’il est pratiqué. L’examen est plutôt une expression organique quotidienne de l’humeur spirituelle de notre cœur. A un moment donné, nous sommes attirés par un élément plus longtemps que les autres et à un autre moment par un autre élément plus que les autres.
L’Ignace mature vers la fin de sa vie examinait toujours chaque mouvement et inclinaison de son cœur, ce qui signifie qu’il discernait la congruence de tout avec son véritable soi centré sur le Christ. C’était le débordement de ces exercices de prière intensifs et réguliers de l’examen chaque jour. En tant que débutants ou “anciens”, nous devons comprendre à la fois l’intérêt des exercices d’examen d’un ou deux quarts d’heure par jour, à savoir un cœur en continuel discernement, et la nécessaire adaptation progressive de notre pratique de l’examen à notre stade de développement et à la situation du monde dans lequel nous nous trouvons. Et pourtant, nous sommes tous conscients de la rationalisation subtile qui consiste à renoncer à l’examen formel chaque jour parce que nous sommes “arrivés” à ce cœur en perpétuel discernement. Ce genre de rationalisation empêchera une plus grande croissance dans la sensibilité de la foi aux voies de l’Esprit Saint dans nos vies quotidiennes.
Regardons maintenant le format de l’examen tel que présenté par Saint Ignace dans les Exercices Spirituels (#43), mais à la lumière de ces commentaires précédents sur l’examen comme conscience discernante au sein du monde.
Prière d’illumination
Dans les Exercices, Ignace a un acte d’action de grâce comme première paire de l’examen. Les deux premières parties pourraient être interchangées sans trop de différence. En fait, je suggérerais la prière d’illumination comme une introduction appropriée à l’examen.
L’examen n’est pas simplement une question de la puissance naturelle de notre mémoire et de notre analyse revenant sur une partie de la journée. C’est une question de perspicacité guidée par l’Esprit dans notre vie et de sensibilité courageusement réactive à l’appel de Dieu dans notre cœur. Ce que nous recherchons ici, c’est une compréhension appréciative croissante du mystère que je suis. Sans la grâce révélatrice de Dieu, ce type de perception n’est pas possible. Nous devons veiller à ne pas nous enfermer dans le monde de nos propres pouvoirs naturels. Notre monde technologique représente un danger particulier à cet égard. Fondé sur une profonde appréciation de l’interpersonnel humain, le chrétien dans la foi transcende les frontières de l’ici et du maintenant avec sa causalité naturelle limitée et découvre un Dieu qui aime et travaille dans, à travers et au-delà de tout. C’est pourquoi nous commençons l’examen par une demande explicite d’illumination qui se produira dans et par nos propres pouvoirs, mais que nos propres pouvoirs naturels ne pourront jamais accomplir par eux-mêmes. Que l’Esprit nous aide à nous voir un peu plus comme Dieu nous voit !
Assemblée de grâce réflexive
Notre position de chrétiens au milieu du monde est celle de pauvres, ne possédant rien, pas même nous-mêmes, et pourtant doués à chaque instant en tout et par tout. Lorsque nous devenons trop richement impliqués avec nous-mêmes et que nous nions notre pauvreté inhérente, alors nous perdons les dons et soit nous commençons à exiger ce que nous pensons mériter (ce qui conduit souvent à une frustration furieuse), soit nous prenons simplement pour acquis tout ce qui se présente à nous. Seule une personne vraiment pauvre peut apprécier le moindre cadeau et ressentir une véritable gratitude. Plus nous vivons profondément dans la foi, plus nous prenons conscience de notre pauvreté et de nos dons ; la vie elle-même devient une humble et joyeuse action de grâce. Cela devrait progressivement devenir un élément de notre conscience permanente.
Après la prière d’introduction pour l’illumination, nos cœurs devraient se reposer dans une véritable gratitude pleine de foi envers Dieu pour les dons personnels de cette partie la plus récente de notre journée. Peut-être que dans la spontanéité de l’événement, nous n’étions pas conscients du don et maintenant, dans cet exercice de prière réfléchie, nous voyons les événements dans une perspective très différente. Notre gratitude soudaine – qui est maintenant l’acte d’un humble indigent désintéressé – nous aide à nous préparer à découvrir le don plus clairement dans une future spontanéité soudaine. Notre gratitude devrait être centrée sur les dons concrets, uniquement personnels, dont chacun de nous a la chance de bénéficier, qu’ils soient grands et manifestement importants ou minuscules et apparemment insignifiants. Il y a beaucoup de choses dans nos vies que nous considérons comme allant de soi ; progressivement, Dieu nous conduira à une prise de conscience profonde que tout est don. Il n’est que juste de louer et de remercier !
Surveillance pratique des actions
Dans ce troisième élément de l’examen, d’ordinaire, nous nous précipitons pour passer en revue, dans certains détails spécifiques, nos actions de la partie de la journée qui vient de se terminer afin de les cataloguer comme bonnes ou mauvaises. C’est exactement ce que nous ne devrions pas faire ! Notre préoccupation première, ici dans la foi, est de savoir ce qui s’est passé pour nous et en nous depuis le dernier examen. Les questions à se poser sont les suivantes : Que s’est-il passé en nous ? Comment Dieu a-t-il agi en nous ? Qu’est-ce qui nous est demandé ? Et ce n’est qu’accessoirement que nos propres actions doivent être considérées. Cette partie de l’examen suppose que nous soyons devenus sensibles à nos sentiments intérieurs, à nos humeurs, à nos moindres sollicitations et que nous ne soyons pas effrayés par eux, mais que nous ayons appris à les prendre très au sérieux. C’est là, dans les profondeurs de notre affectivité, parfois si spontanée et si forte, et parfois si obscure, que Dieu nous touche et nous traite le plus intimement. Ces humeurs, ces sentiments, ces pulsions et ces mouvements intérieurs sont les “esprits” qu’il faut passer au crible, discerner, afin de pouvoir reconnaître l’appel de Dieu au cœur intime de notre être. Comme nous l’avons dit plus haut, l’examen est un moyen principal de ce discernement de notre conscience intérieure.
Cela suppose une véritable approche de la vie par la foi – que la vie consiste d’abord à écouter, puis à agir en réponse :
L’attitude fondamentale du croyant est de celui qui écoute. C’est aux paroles du Seigneur qu’il prête l’oreille. D’autant de manières différentes et à des niveaux aussi variés que l’auditeur peut discerner la parole et la volonté du Seigneur qui lui sont manifestées, il doit répondre avec toute “l’obéissance de la foi” paulinienne.” . . . C’est l’attitude de réceptivité, de passivité, de pauvreté de celui qui est toujours dans le besoin, radicalement dépendant, conscient de sa créature.
D’où le grand besoin de calme intérieur, de paix, et d’une réceptivité passionnée qui nous accorde d’écouter la parole de Dieu à chaque instant et dans chaque situation pour ensuite y répondre dans notre propre activité. Encore une fois dans un monde qui est fondé davantage sur l’activité (qui devient de l’activisme), la productivité et l’efficacité (alors que l’efficacité est une norme pour le royaume de Dieu !). Cette vision de foi est implicitement, sinon explicitement, remise en cause à chaque tournant de la route.
Et donc notre première préoccupation ici concerne ces manières subtiles, intimes, affectives dont Dieu s’est occupé de nous au cours de ces dernières heures. Peut-être n’avons-nous pas reconnu l’appel de Dieu dans ce moment passé, mais maintenant notre vision est claire et directe. Deuxièmement, nous nous préoccupons de nos actions dans la mesure où elles ont été des réponses à l’appel de l’Esprit Saint. Très souvent, notre activité devient primordiale pour nous et nous perdons tout sens de la réponse dans notre activité. Nous devenons mus et motivés par nous-mêmes plutôt que par l’Esprit. (Romains 8:14). Il s’agit là d’un manque subtil de foi et d’une incapacité à vivre comme un fils ou une fille de Dieu. A la lumière de la foi, c’est la qualité de la réactivité de l’activité, plus que l’activité elle-même, qui fait la différence pour le royaume de Dieu.
Dans cette revue générale, il n’y a pas d’effort pour reproduire chaque seconde depuis le dernier examen ; notre préoccupation porte plutôt sur des détails et des incidents spécifiques, car ils révèlent des modèles et apportent une certaine clarté et un aperçu. Cela nous amène à considérer ce qu’Ignace appelle l’examen particulier.
Cet élément de l’examen, peut-être plus que tout autre, a été mal compris. Il est souvent devenu un effort pour diviser et conquérir en descendant la liste des vices ou en remontant la liste des vertus dans une approche mécaniquement planifiée de la perfection de soi. On passait un certain temps sur chaque vice ou vertu, un par un, puis on passait au suivant sur la liste. Plutôt qu’une approche programmée pratique de la perfection, l’examen particulier est censé être une rencontre personnelle, révérencieusement honnête, avec le Saint-Esprit de Dieu dans nos propres cœurs.
Lorsque nous devenons assez sensibles et sérieux pour aimer Dieu, nous commençons à réaliser que certains changements doivent être effectués. Nous sommes déficients dans tant de domaines et il faut se débarrasser de tant de défauts. Mais Dieu ne veut pas qu’ils soient tous traités en même temps. En général, il y a un domaine de notre cœur où Dieu appelle particulièrement à la conversion, qui est toujours le début d’une vie nouvelle. Dieu nous pousse intérieurement dans un domaine et nous rappelle que si nous voulons vraiment vivre dans l’Esprit, cet aspect de nous-mêmes doit être changé. C’est souvent précisément le domaine que nous voulons oublier et (peut-être !) travailler plus tard. Nous ne voulons pas laisser la parole de Dieu nous condamner dans ce domaine, et nous essayons donc de l’oublier et de nous distraire en travaillant sur un autre domaine plus sûr qui nécessite une conversion, mais pas avec la même urgence de conscience que dans le premier domaine. C’est dans cette première zone de notre cœur, si nous voulons être honnêtes et ouverts avec Dieu, que nous faisons l’expérience très personnelle du feu du Saint-Esprit qui nous confronte ici et maintenant. Très souvent, nous ne parvenons pas à reconnaître cette culpabilité pour ce qu’elle est vraiment ou nous essayons de l’atténuer en travaillant dur sur quelque chose d’autre que nous voulons corriger alors que Dieu veut autre chose ici et maintenant. Pour les débutants, il faut du temps pour devenir intérieurement sensibles à Dieu avant qu’ils ne parviennent progressivement à reconnaître l’appel de l’Esprit à la conversion (ce qui peut impliquer une lutte très douloureuse !) dans certains domaines de leur vie. Il est préférable pour les débutants de prendre ce temps pour apprendre ce que Dieu veut que leur examen particulier soit maintenant plutôt que de prendre une imperfection assignée pour commencer.
Et donc l’examen particulier est très personnel, honnête, et parfois une expérience très subtile de l’Esprit qui appelle dans nos cœurs à une conversion plus profonde. La matière de la conversion peut rester la même pendant une longue période de temps, mais la chose importante est notre sens de ce défi personnel pour nous. Souvent, cette expérience de l’appel de Dieu à la conversion dans une petite partie de notre cœur prend l’expression d’une culpabilité saine qui doit être interprétée avec soin et à laquelle il faut répondre si l’on veut progresser dans la sainteté. Lorsque l’examen particulier est considéré comme l’invitation personnelle unique de Dieu à une plus grande intimité dans la foi, alors nous pouvons comprendre pourquoi Saint Ignace suggère que nous tournions toute notre conscience vers cet appel de l’Esprit Saint, au-delà de l’examen formel lui-même, à ces deux moments importants de chaque jour : son début et sa fin.
Dans cette troisième dimension de l’examen formel, le sentiment croissant de foi de notre péché est très central. Il s’agit davantage d’une réalité de foi spirituelle telle que révélée par Dieu dans notre expérience que d’une réalité lourdement moralisatrice et culpabilisante. Le sentiment profond de notre état de pécheur dépend de notre croissance dans la foi et constitue une prise de conscience dynamique qui se termine toujours par une action de grâce – le chant du “pécheur sauvé”. Dans son livre Growth in the Spirit, François Roustang, au deuxième chapitre, parle très profondément du péché et de l’action de grâce. Cela peut fournir un énorme aperçu de la relation de ces deuxième et troisième éléments de l’examen formel, en particulier en tant que dimensions de notre conscience chrétienne durable.
Contrition et tristesse
Le cœur chrétien est toujours un cœur en chant – un chant de joie et de gratitude profondes. Mais l’alléluia peut être tout à fait superficiel et sans corps ni profondeur s’il n’est pas véritablement touché par la tristesse. C’est notre chant de pécheur, constamment conscient d’être la proie de nos tendances pécheresses et pourtant converti à la nouveauté, qui est garantie par la victoire de Jésus-Christ. Cette dimension fondamentale de la vision de notre cœur, que Dieu désire approfondir en nous au fur et à mesure que nous nous convertissons du péché, est appliquée ici aux actions spécifiques que nous avons entreprises depuis le dernier examen, en particulier dans la mesure où elles ont été des réponses égoïstement inadéquates à l’œuvre de Dieu dans nos cœurs. Cette tristesse naîtra surtout du manque d’honnêteté et de courage dans la réponse à l’appel de Dieu lors de l’examen particulier. Cette contrition et cette tristesse ne sont pas une honte ni une dépression face à notre faiblesse, mais une expérience de foi au fur et à mesure que nous grandissons dans notre réalisation du désir impressionnant de notre cher Dieu que nous aimions de chaque once de notre être.
Après cette description, la valeur de faire une pause chaque jour dans l’examen formel et de donner une expression concrète à ce sentiment de tristesse permanent dans nos cœurs devrait être tout à fait évidente et devrait découler naturellement du troisième élément de l’examen pratique de nos actions.
Résolution pleine d’espoir pour l’avenir
Ce dernier élément de l’examen formel quotidien se développe très naturellement à partir des éléments précédents. Le développement organique nous conduit à faire face à l’avenir qui se lève maintenant pour nous rencontrer et s’intégrer dans nos vies. À la lumière de notre discernement actuel du passé immédiat, comment regardons-nous l’avenir ? Sommes-nous découragés, découragés ou craintifs face à l’avenir ? Si telle est l’atmosphère de nos cœurs maintenant, nous devons nous demander pourquoi et essayer d’interpréter cette atmosphère ; nous devons être honnêtes en reconnaissant notre sentiment pour l’avenir, et ne pas le réprimer en espérant qu’il disparaîtra.
L’expression précise de cet élément final sera déterminée par le flux organique de cet examen précis maintenant. En conséquence, cet élément de résolution pour l’avenir immédiat ne se produira jamais de la même manière à chaque fois. S’il se produisait de la même expression à chaque fois, ce serait un signe certain que nous n’entrons pas vraiment dans les quatre éléments précédents de l’examen.
À ce stade de l’examen, il devrait y avoir un grand désir d’affronter l’avenir avec une vision et une sensibilité renouvelées alors que nous prions à la fois pour reconnaître encore plus les manières subtiles dont Dieu nous accueillera et pour reconnaître l’Esprit qui nous appelle dans la situation existentielle de l’avenir, puis pour répondre à cet appel avec plus de foi, d’humilité et de courage. Cela devrait être particulièrement vrai pour cette expérience intime et durable de l’examen particulier. Une grande espérance devrait être l’atmosphère de nos cœurs à ce stade – une espérance qui n’est pas fondée sur nos propres déserts ou nos propres pouvoirs pour l’avenir, mais plutôt fondée beaucoup plus pleinement en notre Dieu dont nous partageons la glorieuse victoire en Jésus-Christ par la vie de l’Esprit dans nos cœurs. Plus nous ferons confiance et laisserons Dieu diriger nos vies, plus nous ferons l’expérience d’une véritable espérance surnaturelle en Dieu douloureusement dans et à travers, mais tout à fait au-delà, de nos propres faibles pouvoirs – une expérience parfois effrayante et vide, mais finalement joyeusement exaltante.
Saint Paul, dans tout ce passage de la Lettre aux Philippiens (3:7-14), exprime bien l’esprit de cette conclusion de l’examen formel : “Je laisse le passé derrière moi et, les mains tendues vers ce qui m’attend, je vais droit au but.” (3:13-14)
Examen et discernement
Nous terminerons ce livret par quelques remarques sommaires sur l’examen, tel qu’il est ici décrit, et le discernement des esprits. Lorsque l’examen est compris dans cette lumière et ainsi pratiqué chaque jour, alors il devient tellement plus qu’un bref exercice effectué une ou deux fois par jour et qui est tout à fait secondaire par rapport à notre prière formelle et à notre vie active de l’amour de Dieu dans notre situation quotidienne. Il devient plutôt un exercice qui concentre et renouvelle tellement notre identité de foi spécifique que nous devrions être encore plus réticents à omettre notre examen que notre prière contemplative formelle chaque jour. Il semble que c’est ainsi que saint Ignace voyait la pratique de l’examen. Il ne parle jamais de l’omettre, bien qu’il parle d’adapter et d’abréger la méditation quotidienne pour diverses raisons. Pour lui, il semble que l’examen soit central et tout à fait inviolable. Cela nous semble étrange jusqu’à ce que nous revoyions notre compréhension de l’examen. Alors peut-être commençons-nous à voir l’examen comme si intimement lié à notre identité croissante et si important pour trouver Dieu en toutes choses et à tout moment qu’il devient notre expérience quotidienne centrale de la prière.
Pour Ignace, trouver Dieu en toutes choses est le but de la vie. Vers la fin de sa vie, il a dit que “Chaque fois qu’il le souhaitait, à n’importe quelle heure, il pouvait trouver Dieu.” (Autobiographie, n° 99) C’est l’Ignace mûr qui avait si pleinement permis à Dieu de posséder chaque once de son être par un Oui clair et abandonnant qui rayonnait du cœur même de son être, qu’il pouvait être conscient à tout moment qu’il voulait de la paix profonde, de la joie et du contentement (consolation, voir les Exercices, n° 316), qui était l’expérience de Dieu au centre de son cœur. L’identité d’Ignace, à ce moment de sa vie, était tout à fait pleinement et clairement “en Christ”, comme le dit Paul : “Car maintenant ma place est en lui, et je ne dépends d’aucune des justices de la Loi que je me suis acquises.” (Philippiens 3:9). (Philippiens 3:9) Ignace connaissait et était son vrai moi en Christ.
Pouvant trouver Dieu quand il le voulait, Ignace était maintenant capable de trouver ce Dieu d’amour en toutes choses par un test de congruence de toute impulsion intérieure, humeur ou sentiment avec son vrai moi. Chaque fois qu’il trouvait une consonance intérieure en lui-même (qui se traduit à nouveau par la paix, la joie, le contentement) à partir du mouvement intérieur immédiat et qu’il se sentait être son véritable moi congruent, il savait alors qu’il avait entendu la parole de Dieu à cet instant. Et il a répondu avec cette plénitude d’humble courage si typique d’Ignace. S’il découvrait une dissonance intérieure, une agitation et une perturbation “au fond du cœur” (à distinguer soigneusement de la répugnance “au sommet de la tête”) et ne pouvait pas trouver son vrai moi congruent dans le Christ, alors il reconnaissait l’impulsion intérieure comme un “mauvais esprit” et il faisait l’expérience de Dieu en “allant contre” l’impulsion désolée. (cf. Exercices, n°319) De cette façon, il était capable de trouver Dieu en toutes choses en discernant soigneusement toutes ses expériences intérieures (“esprits”). C’est ainsi que le discernement des esprits est devenu une pratique quotidienne très concrète de l’art d’aimer Dieu de tout son cœur, de tout son corps et de toute sa force. Chaque instant de la vie consistait à aimer (trouver) Dieu dans la situation existentielle dans un calme, une paix et une joie profonds.
Pour Ignace, cette découverte de Dieu dans le mouvement, le sentiment ou l’option intérieurs présents était presque instantanée dans ses années de maturité parce que le “sentiment” ou la “courbure” centrale de son être avait ainsi été saisi par Dieu. Pour le débutant, ce qui était presque instantané pour l’Ignace d’âge mûr peut nécessiter l’effort d’un processus de prière de quelques heures ou de quelques jours, selon l’importance du mouvement-impulsion à discerner. Dans certains de ses écrits, Ignace utilise l’examen pour faire référence à ce test presque instantané de congruence avec son vrai moi – quelque chose qu’il pourrait faire un certain nombre de fois chaque heure de la journée. Mais il parle aussi de l’examen dans le sens restreint formel de deux exercices de prière d’un quart d’heure par jour.
La relation intime et essentielle entre ces deux sens de l’examen a été le point de tout ce livret.
Excerpt from Consciousness Examen by George Aschenbrenner, SJ, une réimpression de l’article original de 1972 par Aschenbrenner explorant le comment et le pourquoi de la pratique de l’Examen. Ce livret fait partie de la série Somos Católicos de Loyola Press.